15 janvier 2008

L’ANNULATION DU RALLYE DAKAR 2008 : EST-CE UNE AFRIQUE QUI PERD OU UNE AFRIQUE QUI GAGNE ? RECIT D’UN REGLEMENT DE COMPTE INEDIT

A l’heure où je vous soumets ces lignes, le tourisme mauritanien vit l’un des moments les plus critiques de son histoire récente : le coup du terrorisme, cette envie injustifiée de haïr l’autre. Bilan, l’assassinat sauvage de quatre touristes français dans la partie sud du pays.
Une décision laconique mais précise est venue de Paris déconseillant la destination Mauritanie à tous les ressortissants français. Pour le moment cette décision n’a pas influé les voyagistes français sur leur ténacité à maintenir leurs vols en direction de Nouakchott et d’Atar. Cette volonté sera couronnée quelques jours après par l’atterrissage d’un vol charter en provenance de Paris et à son bord cent trente touristes. Ils furent joyeusement accueillis à l’aéroport d’Atar par le ministre mauritanien chargé du tourisme en personne.
Mais les autorités françaises ne s’arrêteront pas à ce si bon chemin. Le Vendredi 04 janvier 2007, sur conseil des autorités françaises, une décision du comité d’organisation du rallye Dakar 2008 annule le départ du plus grand rallye du monde mais aussi l’un des plus vieux ayant survécu à l’usure du temps. Raison avancée : problème de sécurité en Mauritanie. La réaction de Nouakchott que je salue ici ne tardera pas. Bien que le fléau du terrorisme tienne même les grandes puissances en haleine, l’Etat mauritanien a décidé de mobiliser quatre mille soldats pour assurer la sécurité du peloton. Mais à l’heure où je vous dresse encore ces phrases, les autorités françaises ne sont pas revenues sur leur décision. Problèmes sérieux de sécurité, envie de se pavaner ailleurs ou simples règlements de compte politiques internes méconnus du grand public?
Tout ce que je sais pour le moment, ce que les pièces de rechange en Afrique ne sont pas une voie envisagée. Les rumeurs laissent entendre l’éventualité de l’adoption d’un nouvel itinéraire en l’honneur de l’Amérique Latine. Quelle insulte à la mémoire de l’histoire sportive française ! Quelle ingratitude envers l’Afrique ! Quelle ingratitude envers tant d’enfants africains tués sur les passages annuels d’un rallye dont ils n’ont à tiré que le simple plaisir du regard ! Quelle ingratitude envers la mémoire d’une Afrique indulgente et laxiste devant les ruines de ses plus précieux monuments éparpillés dans le désert ! Oui quelle ingratitude envers cette Afrique tant polluée, oui tant convertie en poubelles !
Le rallye Dakar est le plus grand rallye du monde mais aussi l’un des plus anciens. Il a réuni les peuples divers. Il a assuré l’échange entre les valeurs de différents horizons. Il a lié des continents distincts. Il fut l’expression directe du dialogue interculturel dont notre monde reste pourtant encore tant friand. Le terrorisme à cause duquel, ce rallye fut annulé, doit pourtant en partie sa raison d’être au conflit qui déchire les cultures. Annuler un tel rallye signifierait remettre en question l’ouverture et le dialogue entre les peuples.
Le terrorisme n’est pas une chose à cautionner. L’on ne doit pas non plus le fuir. Mais pour pouvoir le combattre aussi, le maintien du rallye Dakar doit figurer parmi une des solutions envisageables. Ceux qui le menacent aujourd’hui de bain de sang ne sont pas des démons spécifiques à l’Afrique. Ils ont touché le cœur de l’un des pays les plus puissants du monde qui est les USA en 2001. L’Amérique latine ne fera pas exception. Cette Amérique qui présente les mêmes lacunes, les mêmes pauvretés et les mêmes désespoirs que cette Afrique que l’on fuit aujourd’hui. L’on ne doit pas condamner l’Afrique pour ne pas pouvoir faire face à ce qui fait fuir les occidentaux les plus puissants et les plus forts dit-on.
De toutes les façons à travers cet imbroglio, un cri d’alarme vient d’être lancé à L’Afrique en général et à la Mauritanie en particulier, un cri d’alarme selon lequel la sécurité reste la condition sine qua non de tout échange entre les mondes antagonistes.
Malheureusement l’Afrique en cette matière défraie la chronique. Si sa pauvreté et l’absence quasi-totale des cibles d’envergure dont la visée serait susceptible d’écorner son image ont fait croire aux experts en sécurité que notre continent est hors de danger immédiat, nos leaders doivent admettre que la donne a vraiment changé. Ceux qui cherchent à nuire le font en semant le deuil parmi ceux nous visitent. Et comme la mondialisation de la sécurité semble être la seule réponse possible à la mondialisation de l’insécurité, à chaque pays de se préparer à l’épreuve. Mais l’erreur de nos pays est de se mettre hors de ces cercles de dangers pour des raisons infondées basées sur des expressions vagues comme l’hospitalité et la tolérance.
C’est exactement ce qui fut le cas de la Mauritanie. L’assassinat des touristes français au sud du pays ne fut pas un événement sans précédent. Quelques années plutôt, Lemghari au nord du pays a essuyé le deuil semé par le GSPC. Depuis lors plusieurs arrestations avaient eu lieu dans les rangs des islamistes les plus actifs dont la plupart restent d’ailleurs en cavale. Parmi ceux qui furent arrêtés, la plupart sont aujourd’hui libres. Incompétence de la justice, faute de preuves tangibles ou simple laxisme ?
Tout ce que l’on sait pour le moment ce que les 100.000 touristes que l’Etat mauritanien s’apprête à accueillir relève aujourd’hui du domaine du rêve. Même si les voyagistes français, majoritaires dans l’industrie touristique du pays, maintiennent encore leurs vols à destination de la Mauritanie, il n’en sera pas toujours pour les touristes soucieux de leur sécurité.
Autre remarque : par l’annulation de ce rallye Dakar 2008, la Mauritanie est aujourd’hui prise en sandwich par la presse internationale pour une question qui ne fait pas nécessairement l’unanimité : l’insécurité. Un coup de massue de plus à une image déjà tant détériorée. Mais la loi de l’indifférence peut-elle être appliquée exceptionnellement pour la Mauritanie ?
Si non qui a dit que le touriste d’aujourd’hui est celui qui est parvenu à gérer sa propre sécurité ?