20 septembre 2009

Quelle belle fête de korité !

L'on sait là où l'on est né mais difficile de prévoir là où l'on va mourir surtout lorsqu'on est un homme, véritable charité de la brousse dit-on ici. Nous sommes à Nouakchott, la capitale du pays de foi. 7 ans après. C'est le jour de la fête, la fête qui symbolise la fin du mois béni de ramadan.
Il est cinq heures et démi du matin. C'est le reveil. La bouillie chaude, appelée ici chez les soninkes "fondé" nous attend, quelques amis et moi. Mais avant cela il me faut brosser les dents, me laver puis aller prier à la mosquée à 9 h. Tout ceci, avant d'entamer le tour de 25 familles. Oui 25 bouillies différentes suivies deux heures plus tard par une sorte de casse-croûte faite de viande tendre bien sautée.
Habillés de nos boubous à la teinture malienne bleue ciel nous traversons le quartier de long en large armés de nos plaisanteries. Dans l'autre sens beaucoup d'enfants habillés en caftans chics s'adonnent à des luttes dignes de celles reservées aux arênes. Et tout ceci pour trois jours d'affilée.
C'est la coutume ici. En réalité, dans la capitale, cette coutume a presque disparu. Chacun se contente juste de la sienne. Mais puisque j'y étais absent pendant une decennie mes amis ont tenu à me faire revivre la tradition. Merci pour votre respect. Merci pour votre hospitalité. Merci pour votre confiance............

"Attention c'est un poste politique"

Ces derniers temps. Je dirai d’ailleurs depuis une semaine après mon arrivée à Nouakchott, j’ai eu l’auguste chance d’être dans le saint des saints. Savez-vous le saint des saints ?

Je sens que vous tardez à me répondre. Voilà. Le saint des saints ici en Mauritanie est l’administration publique, le lieu de l’impunité et de l’enrichissement illégalement et illicitement autorisé, où l’on peut tout se permettre sans aucun souci quelconque. L’on peut y être présent comme l’on peut n’est pas y être. L’on peut y travailler et ne pas être payé comme le contraire est aussi possible et y être même bien plus payé. Mais voilà. Ce n’est pas tout cela qui m’étonne moi. Mais ce qui m’empêche de dormir moi est le contexte qui régit généralement la nomination aux postes de décisions.

En effet, il y a de cela quelques semaines, la personne qui était sensée occupée la tête de la direction où je suis était promue ministre. Depuis son poste est resté vacant. Mais vu la délicatesse du domaine dont cette direction était chargée, je ne cesse de poser des questions aux anciens. Et quelqu’un m’a laissé entendre un jour que désormais le choix des gens avec lesquels on doit travailler est laissé entre les mains de ministres moyennant un bilan appréciable. La même personne a ajouté aussi que ce sont également des postes politiques autrement dits offerts aux fidèles en guise de récompense pour leurs efforts et sacrifices consentis pour le parti gagnant. Et là j’étais resté presque bouche bée. J’ai compris pourquoi l’on rencontre autant d’incompétents dans notre administration et qui ignorent tout du domaine qu’ils sont sensés manager. J’ai compris que ce n’était pas le simple fait de tribalisme ou de corruption mais bien de celui de clientélisme. J’ai compris également pourquoi nous aurons pour longtemps des problèmes pour nous développer.

En effet, le problème n’est pas celui du politicien que l’on n’a choisi et qui est sensé, si je ne me trompe pas, respecter les lignes directrices du parti. Mais bien de ses compétences ou de sa façon de diriger les hommes. L’on peut-être nul mais si l’on sait simplement bien s’entourer, il serait possible de bien s’en sortir. Mais comment ceci est-il possible d’ailleurs pour le cas des administrations comme la nôtre surpeuplée d’incompétents et d’employés fictifs ?

Ensuite il faut oser le dire. Pour le développement des pays comme le nôtre il doit y avoir des postes politiques mais aussi des postes où l’on ne peut y être nommé qu’en fonction de ses compétences que l’on soit politicien ou non, que l’on ait rendu service au parti ou non. Ces postes sont généralement ceux qui sont cruciaux pour le développement de notre pays et qui doivent sortir du cadre de l’amateurisme et du clientélisme..........

Nouakchott: La ville triste aux mares qui emprisonnent; véritables porte-paroles auprès de ses majestés

Les pays qui sont bien contruits à travers le monde sont nombreux. Mais d'une manière ou d'une autre la plupart ne le furent pas par simple effet du hasard. Faut-il alors voir, à travers les crues que provoquent les quelques goutelettes de pluie qui tombent à Nouakchott, le présage d'une longue traînée de nos autorités devant une réalité derangeante plusieurs fois délibérement contestée ?
Peut-être. Mais le constat que l'on peut tirer pour le moment de ces pluies devenues fréquentes dans une ville où il y a de cela quelques années seulement elles étaient quasi-absentes est que le vrai aspect qui nourrit la réalité quotidienne de notre capitale n'est plus à l'insu du coin le plus réculé du monde. Ville sans routes ou ville des mares aux eaux inaspirables ?
Véritable proie à la presse la plus curieuse du monde, cette réalité de ville-bidonville sensée être la capitale d'un pays cru être sur la lignée de leurs homologues arabes ne peut plus être biaisée. Le mauritanien n'est pas simplement enclavé sur le plan national, il l'est également urbainement. Une pluie de 30 mm suffit pour diminuer les déplacements. Et pas une route dans notre capitale qui echappe à ce regret. Les milieux qui sont sensés être les plus en vue sont ceux qui sont infréquentables dans pareille situation. Le cinquième arrondissement de notre Nouakchott dispose le trophée en la matière. Pire qu'un bourbier, de simples goutelettes suffisent pour transformer son marché en un marigot à bout. On patauge dans la boue au Guidimakha pour aller cultiver. On le fait à Nouakchott pour aller rendre visite à ses parents.
Cette réalité amère dit combien la lutte pour le pouvoir n'a été qu'un pretexte. S'enrichir et toujours s'enrichir. 49 ans après notre indépendance, nous n'avons pas été en mesure de nous construire une capitale digne de ce nom. Et que dire des villes de l'intérieur ?
Heureusement. L'ordre naturel des choses est là. Toute chose est contrainte de subir la règle qui régit la vie de toute créature: naître puis grandir et enfin mourir. Personne n'a pensé que Ould Taya allait plier bagages. Tout le monde admettra également que les conséquences que sont en train de causer les pluies de ces derniers temps dans notre capitale contraindront nos autorités enfin à régarder la réalité amère en face. Le mauritanien ne saura s'enfermer éternellement chez lui. Cet enjeu doit être suivi de près par nos dirigeants. Seulement nous faudra-il de véritables routes ou de simples dunes de sables dans une ville déjà excessivement ensablée ?