08 mars 2010

L'identité nationale mauritanienne: Officiellement, une question taboue; officieusement une question ordinaire aux conséquences lourdes

En Mauritanie, s’il y a une question, entre autres, qui continue de faire profil bas c’est bien incontestablement celle relative à l’identité nationale. Certes beaucoup ont pris un malin plaisir de jouer avec cette question au point que ceux qui s’en soucient à l’occasion sont traités de tous les mots indésirables. Mais comment faire autrement d’ailleurs si les relations qui existent entre celle-ci, le désir d’un peuple à se développer et le développement ne sont pas si clairement établis. Pourtant ce ne sont pas ses conséquences réelles mais inavouées qui font défaut. Mais les rares circonstances qui avaient été les occasions de soulèvement de cette question ont eu mauvaise tache dans nos esprits. Depuis la question d’identité que le quotidien de la rue relate chaque jour encore mieux est restée un tabou. Mais jusqu’à quand exactement durera cette fuite en avant ?
Pour répondre à cette question, il est important de réfléchir d’abord à propos de celles qui semblent être les plus urgentes à savoir pourquoi discuter de la question d’identité en général et celle de la Mauritanie plus particulièrement et comment définir l’identité mauritanienne une fois pour toute.
1- Qu’est-ce que l’identité ?

En effet l’identité renvoie à ce qu’on est, ce qui nous spécifie et nous différencie des autres. Par elle, on est reconnu. Donc elle peut être un ensemble de valeurs matérialisées ou non. Ainsi à des phases différentes, l’identité se taie progressivement dans le souci de veiller au maintien de l’équilibre du groupe. Voilà pourquoi lorsqu’elle s’affuble de l’étiquette « nationale », elle devient alors la reconnaissance d’appartenance à un ensemble ayant prédéfini ses éléments constitutifs qui, pour être pérennes, seraient la synthèse consensuelle des réalités de différentes composantes de sa société dans leurs points de convergence comme dans leurs divergences.
2-Pourquoi définir l’identité ?
Il est rare voire impossible de voir un pays composé d’une seule composante tribale, ethnique, raciale ou sociale. Cette hétérogénéité de fait reflète celle des valeurs. La définition de l’identité est là alors pour permettre à cet ensemble hétérogène de voir dans le même sens et la même direction. La question de savoir s’il y a un pays qui n’a pas d’identité ne se pose pas ; mais celle de savoir s’il y a une identité de consensus réelle mérite bien d’être posée. Donc l’identité n’est pas seulement un moyen de sauvegarde de paix lorsqu’elle est bien définie, et surtout définie dans le sens de l’intérêt général mais elle permet aussi de savoir vraiment où va-t-on. Mais peut-on réellement savoir où va-t-on si réellement on ignore qui on est ?
2.1- Pourquoi définir l’identité nationale mauritanienne ?
2.1.1- Problème de communication
En 2005, J’étais étudiant au Maroc. Nous étions deux mauritaniens dans un même appartement : un maure et un soninké. Le maure connaissait l’arabe mais rien en français. Quant aux autres dialectes nationaux, on n’en parle pas. Moi aussi, étant dans son cas je ne sais parler que le soninké et le français. Et pour que nous puissions communiquer entre nous, nous étions tenus à faire du langage des signes dignes des sourds-muets. Nous n’étions qu’un exemple mais reconnaissons qu’en Mauritanie des milliers de personnes vivent quotidiennement dans la même situation. Et comment s’approcher, communiquer et se comprendre si le moyen n’est pas là. La preuve, plus qu’une question de rancune, de complexe ou de haine inavouée, est notre façon de vivre : à l’étranger les mauritaniens vivent en harmonie mais au pays nous nous regardons en chiens de faïence. Ce n’est pas à moi de rappeler à nos autorités la parole incantatoire de Martin Luther King selon laquelle "Souvent, les hommes se haïssent les uns les autres parce qu'ils ont peur les uns des autres; Ils ont peur parce qu'ils ne se connaissent pas; Ils ne se connaissent pas parce qu'ils ne peuvent pas communiquer; ils ne peuvent pas communiquer parce qu'ils sont séparés».
2.1.2- Autres conséquences inavouées….
Le manque de communication entre les deux grandes composantes sociales de notre pays auquel sont venus se greffer les effets de la frustration, fruit de la domination arabo et des événements de 89 ont rendu les rapports entre arabo-berbères et négros-mauritaniens trop complexes. Le net n’est pas le seul lieu de manifestation de cette atmosphère peu vivable. Le quotidien de nos rues est peuplé des charges lourdes en insultes et autres incriminations indignes. Moi-même personnellement fus traité, un jour, « d’étranger » pour avoir critiqué l’insalubrité de Nouakchott. Et à plusieurs reprises des amis m’ont laissé entendre que les maures viennent pour la plupart du Sahara marocain. Ce qui est sûr ce que je ne partage pas ces thèses. Et cela me fait même mal de les entendre parler. Mais sachant qu’elles ne sont que ce que chacun de nous rumine sans le dire à voix haute, n’est-ce pas le moment de lancer la sonnette d’alarme convaincu que tout concourt à faire croire que sur cette mine de haines inavouées tout ce qui peut être bâti peut passer d’un jour à un autre à la ruine.
Le préalable est donc et d’abord la définition claire et consensuellement synthétique de l’identité mauritanienne au-delà des confusions qui la caractérisent aujourd’hui.
2.2- Comment définir cette identité ?
En Mauritanie, il y a unanimité sur l’Islam et les valeurs qu’il véhicule. Cette unanimité, stratégiquement, doit servir d’opportunité pour un pays à la quête d’un pacte identitaire consensuel. Malheureusement si l’occasion avait été tentée dans l’histoire, les événements par lesquels elle avait abouti ne reflètent pas, quant à eux, l’assurance d’une quelconque confiance. Une partie de notre population a usé notre religion de paix, de tolérance pour mettre en avant leurs caprices claniques à telle enseigne que ce qui s’était réellement passé avait été l’opposé catégorique de ce que l’Islam ordonnait. Il s’avérera difficile que de ce point-là simplement l’identité nationale mauritanienne puisse être définie. Mais au lieu de réfléchir à propos, à quoi sommes-nous entrain d’assister actuellement ?
2.2.1- La politisation de la question identitaire
Si la politique est une lourde tâche, ce sont les hommes qui l’ont rendue lourde. Mais pour des questions d’intérêt général, elle peut, lorsqu’elle est à l’apanage de l’intérêt personnel, se positionner au second rang. Malheureusement l’africain et l’arabe semblent perdre de vue cette réalité indiscutable.
Il est vrai que si la question d’identité est cruciale en Mauritanie, elle ne l’est que lorsqu’elle se veut officielle. Et même sur ce point reconnaissons que c’est parce que nos autorités pour des raisons inavouables mais connues de tous ne veulent pas être claires et justes. La Mauritanie, que l’on le veuille ou non est arabe et africaine. Que l’on le veuille ou non, elle ne tirera son salut que de la synthèse officiellement reconnue de cette double culture épaulée par notre religion à nous tous l’Islam.
Mais au lieu de cela, c’est la politique de l’exclusion dans laquelle nous commençons à nous engager officiellement avec des déclarations faites à l’emporte pièce mais qui ne sauraient ne pas toucher aux susceptibilités. Ould Abdel Aziz veut-il faire volte-face vis-à-vis de tout ce qu’il a fait jusque-là et qui a été juste ce qu’il fallait ou cherche-t-il à convaincre par la parole-chanson de Céline Dion « je ne vous oublie pas » ?
En tout cas le moins que l’on puisse dire ce que la question d’identité soulevée à l’heure où nous sommes, dans le sens de l’intérêt général, ne semble pas être la bonne.
Ou bien.
Veut-on diviser les séquestrés (harratines et autres negro-mauritaniens) qui commencent à converger au-delà de leurs divergences linguistiques et culturelles en soulevant une question devant laquelle certains intégristes négro-africains ne négocieront pas et sur laquelle le divorce ne tardera pas à y être consommé ?
Ou encore cette question n’est-elle rien autre que la suite logique d’un tas d’événements revenus de pleine force ces derniers temps au motif de sécurisation ou d’ouverture ?
Toujours est-il que ce qui n’avait pas été admis dans les années 66 avec les conséquences que l’on sait le sera difficilement en 2010. Abdel Aziz en sait-il vraiment quelque chose ?
Au-delà de toute interprétation qui peut tourner au mensonge de l’imagination pure, attendons ce qui nous révèlera le reste des événements sachant l’homme d’avant et d’après 18 Juillet.