17 octobre 2006

J'ETAIS CULTIVATEUR, FILS D'UN AGRICULTEUR

Etre fils d’agriculteur en Mauritanie n’est pas une responsabilité facile. Bien qu’on ne choisit pas de l’être, on ne peut pas non plus se mettre à l’abri de toutes les humiliations qui accompagnent la pratique d’une telle activité, une activité pourtant dont aucun pays au monde ne peut se soustraire de ses retombées, ses bienfaits, si certains d’ailleurs n’y ont pas trouvé la source de leur puissance. Et normalement, à mon avis, s’il devrait y avoir une préoccupation majeure et primordiale pour les autorités mauritaniennes depuis bien l’avènement de O/ Taya jusqu’à ce jour-ci où je vous écris ces mots, ce devrait bien légitimement être un droit de regard à ces pauvres dont le sort de notre pays en dépend largement. Et quelle ne serait pas notre surprise qu’après bientôt une année et demi du changement tant rêvé les djembés et les guitares ne font échos qu’autour de la course aux arènes. Car le pouvoir a toujours préoccupé nos dirigeants politiques à telle enseigne que ceux qui le leur procurent, composés pour l’essentiel de cultivateurs et d’éleveurs risquent de rendre leur dernier souffle par la faim et une patience impatiente des décennies. D’un côté, il est vrai que la Mauritanie d’après 03-Août 2005 avait réellement besoin d’un bilan médical politique impartial. Mais aller jusqu’à effacer des préoccupations l’ossature de cette démocratie longtemps chantonnée c’est autrement œuvrer pour qu’il y aurait pas eu lieu de vraies élections transparentes et normales. Car faut-il justement leur rappeler qu’un peuple qui a faim, malade autrement dit qui manque toutes les nécessités premières à son quotidien est un peuple qui ne dispose pas une liberté de voix et qui est aussi et facilement à la merci de premiers venus acheteurs des voix pour les urnes. Aujourd’hui encore on peut affirmer que tous les secteurs d’activité ayant des retombées directes (comme le pétrole, la pêche…) ont eu ce droit de regard de la part de nouveaux dirigeants à l’exception de deux : l’agriculture et l’élevage. Car la question n’est pas de mettre de nouveaux hommes à la tête de ces entités indispensables pour notre pays mais entreprendre une véritable politique agro-pastorale qui permet désormais d’assister cultivateurs et éleveurs en se servant des cadres spécialistes mauritaniens ayant passé par les grandes écoles ou instituts. Et je suis convaincu à ma connaissance que notre pays dispose largement des cadres en la matière qui chôment malheureusement quand le pays en a pourtant énormément besoin. Si je parle de reforme agro-pastorale ce qu’il y a lieu de reformer. Car en plus des dérives techniques, ce qui étonne réellement ce sont les dérives judiciaires. Et en tant que fils d’agriculteur je peux même dire que c’est ce côté qui fait le plus de mal aux agriculteurs et aux éleveurs. Sur ce plan l’Etat n’existe pas ou s’il existe, il fait preuve d’une iniquité sans commune mesure. Lui qui doit jouer le rôle d’autorité et de protecteur doit remplir ce rôle en tranchant entre le faible et le fort, en corrigeant l’injustice. Mais l’époque O/ Taya n’a jamais agi ainsi. Voilà pourquoi aujourd’hui encore je me demande s’il y avait réellement Etat à ce moment bien précis. Car les confrontations entre cultivateurs et éleveurs étaient quotidiennes finissant très souvent par des meurtres. Et à mon avis il n’ y avait rien d’anormal dans ces litiges. Car là où il y a cultivateurs et éleveurs il y a toujours conflits vu l’antagonisme d’intérêt que chaque partie croit défendre. Mais si l’Etat qui doit jouer le rôle de juge se contente de contempler l’iniquité s’effectuer sous ses yeux sans aucune forme de procès que des tranchements fortuits défendant toujours l’un au dépend de l’autre qui ne doit se contenter que de ses larmes, c’est autrement dit l’incarnation pure et simple du racisme et de l’ethnocentrisme. Les pauvres ont longtemps pleuré sous ces injustices. Et tout le monde sait qu’un jour ou un autre ces pleurs payeront de leur mérite. Car le champs cultivé demeure le seul espoir du pauvre cultivateur. Et si ce champ labouré au prix du sang se voit tout simplement dévasté par des troupeaux de vaches, de chameaux ou de moutons pour la simple raison qu’ils sont la propriété d’un tel gouverneur, un tel préfet ou d’un tel commandant et que la justice quasi-inexistante ne serait pas en mesure de trancher c’est autrement ce qu’on peut appeler le cannibalisme moderne.