02 novembre 2010

Débat national sur le terrorisme ou débat de la haute classe mauritanienne pour théoriser ?

Dans la semaine du 24 Octobre 2010 a eu lieu un débat qui s’annonce, à ma connaissance, sans précédent dans l’histoire politique de notre pays. Pour la première fois, nos hautes autorités ont senti la nécessité de mettre sur table une problématique aussi cruciale que d’actualité aux conséquences inimaginables à tant des niveaux : le terrorisme avec ses déchets en conséquences socio-politiques, économiques et culturelles. Beaucoup de personnalités y ont pris part : de la société civile à la haute classe intellectuelle en passant par les différents départements ministériels directement concernés. Au cours de ces 5 jours de discussion, de divergence et de partage d’expérience, rien n’a été laissé de tabou dit-on. Le rôle de chacun a été clairement défini. L’intransigeance de l’Etat mauritanien a été aussi réaffirmée et restera ainsi, insiste-t-on.

Mais au-delà de ce qui semble relever plus de la com’ que d’une volonté réelle et sincère d’éradiquer méthodiquement, durablement et plus que jamais, le fléau du terrorisme que peut-on réellement lire à travers ces retrouvailles qui ressemblent bien à des fêtes qu’autre chose ? Bien que soucieuses de sécurité, nos autorités allaient-elles faire de ce débat un oui-clos digne d’un filtre où seule la bonne classe a droit d’être citée et vue sur nos petits écrans ? Les participants ont-ils réellement appréhendé l’envergure du phénomène terrorisme, la manière dont il s’enracine dans les sociétés et les manières par lesquelles il faudrait s’en prendre pour l’éradiquer pour toujours ?
Celui qui a bien suivi le débat, celui qui a été au palais des congrès et éconduit sait que ce débat a faussé bien des pas.
D’abord en termes d’organisation. De mon expérience personnelle, le mauritanien est reconnu par sa capacité surnaturelle à communiquer. Mais lorsqu’il s’agit pour les bonnes causes, nous sommes toujours à la traîne. En effet, pourtant, pour des événements d’une telle ampleur et d’une importance qui s’annonce sans commune mesure, il était indispensable d’en faire d’abord plus de pub au niveau national qu’international. Ensuite, toutes les discussions n’allaient pas se faire au niveau du palais de congrès. En effet, si certains programmes avaient comme destinataires directs la presse locale, les autorités régionales et certains responsables sociaux, il n’en est pas le cas pour ceux qui visaient directement la basse population et notamment la jeunesse parmi laquelle les candidats au suicide sont d’ailleurs toujours recrutés. Il fallait faire marier l’utile à l’agréable. L’UPR pourrait certes faire le reste (c’est le but des missions actuelles de sensibilisation). Mais la jeunesse mauritanienne tout entière partagée entre des convictions politiques différentes acceptera-t-elle de se laisser aller par les idées d’un parti que certains reprouvent farouchement?
Ensuite concernant le terrorisme plus proprement dit, dès le début des conflits estimés par certains de « par procuration », nous avons été de ceux qui étaient convaincus que l’usage de la force intensifie la haine, multiplie les ennemis de la Mauritanie et peut faire de notre pays, un Etat toujours incertain du point de vue sécurité. Les Etats-Unis en savent mieux que tout autre pays. Aujourd’hui, ils ne doivent leur stabilité intérieure et extérieure que parce que leur politique de tout sécuritaire a été revue par Mister Obama. Car la réalité est que le terrorisme est une idéologie; donc ne peut être combattue que par les idées.
Enfin, il est d’une importance capitale de rappeler que le terrorisme qui menace la Mauritanie n’est en réalité que le terrorisme « par procuration ». En effet, les avis sont unanimes sur le fait que les vrais terroristes sont rares parmi nous. Désormais ce sont les petits bandits qui leur assurent le kidnapping avant de vendre leurs appâts aux vrais terroristes qui sont dans le vrai désert. La question d’actualité est alors de savoir ce qu’il faut faire pour dissuader ces bandits. Les manières de s’en prendre divergent. Mais la sagesse implique que l’on sache d’abord qui sont vraiment ces bandits, pourquoi commettent-ils ces actes et que peut-on faire pour les en dissuader ?
Quand Ould Abdel Aziz a rappelé pendant l’ouverture des débats que notre pays est injustement la cible des terroristes, il avait raison de le rappeler. Puisqu’on n’a jamais occupé le territoire de quelqu’un, on ne s’est jamais ingéré dans les affaires intérieures d’un pays étranger. Mais notre cher président est-il vraiment convaincu que notre pays est victime des actes terroristes dignes ceux commis par Al Qaida partout dans le monde ?
En tout cas, pour celui qui connaît bien notre pays, croire à cela est difficile voire impossible. La piste des services secrets étrangers voire nationaux est visée pour ce qui est de certains actes. Quant à d’autres, inutile de chercher à mille lieux. En effet, aujourd’hui le désespoir qui mine la jeunesse mauritanienne oblige à voir dans trois directions : émigrer clandestinement, se spécialiser dans le kidnapping ou encore errer dans les rues pire qu’un clochard. Il n’y a pas d’emploi. Pire encore les conditions d’un environnement économique viable n’existent pas. A mon avis s’il faut décourager ces kidnappings, la force peut être un des moyens de dissuasion mais il est préférable de s’attaquer aux sources de ces enrôlements en mettant en place des solutions adéquates.