11 juin 2007

L'ACTIVITE AGRICOLE EN MAURITANIE: ENTRE DERIVES TECHNIQUES ET JURIDIQUES

Etre fils d’agriculteur en Mauritanie n’est pas une responsabilité facile. Bien qu’on ne choisit pas de l’être, on ne peut pas non plus se mettre à l’abri de toutes les humiliations qui accompagnent la pratique d’une telle activité, une activité pourtant dont aucun pays au monde ne peut se soustraire de ses retombées, ses bienfaits, si certains d’ailleurs n’y ont pas trouvé la source de leur puissance. Et normalement, à mon avis, s’il devrait y avoir une préoccupation majeure et primordiale pour les autorités mauritaniennes depuis bien l’avènement de O/ Daddah jusqu’à ce jour-ci où je vous écris ces mots, ce devrait bien légitimement être un droit de regard à ces pauvres dont le sort de notre pays en dépend largement. Mais quelle ne serait pas notre surprise qu’après bientôt cinq décennies d’indépendance les djembés et les guitares ne font échos qu’autour de la course aux arènes, oui au pouvoir. Car le pouvoir a toujours préoccupé nos dirigeants politiques à telle enseigne que ceux qui le leur procurent, composés pour l’essentiel de cultivateurs et d’éleveurs risquent de rendre leur dernier souffle par la faim et une patience impatiente des décennies.

D’un côté, il est compréhensible que la Mauritanie d’après 03-Août 2005, date charnière qui devrait indéniablement constituer une tournure des pages obscures de l’histoire de ce pays bien aimé, avait réellement besoin d’un bilan médical politique impartial qui devrait consister notamment à un assainissement du champ politique et une pseudo instauration d’une démocratie même formelle. Dans tout cela il n’y avait pas un faux pas. Mais aller jusqu’à effacer des préoccupations prioritaires l’ossature de cette démocratie longtemps chantonnée c’est autrement œuvrer pour qu’il y aurait pas eu lieu de vraies élections transparentes et normales. Et ce qui fut réellement le cas.

L’on ne cesse de le dire et de le répéter : aucun pays au monde ne peut prétendre instaurer une démocratie légitime si le peuple qui doit voter continue d’être ignorant et d’avoir faim. L’ignorance engendre la famine. La famine a pour destination la maladie. Et la maladie nous conduit au trépas si ce n’est à la folie mentale. Malheureusement ces fléaux, dans leur inévitable cycle infernal et vicieux qui est la principale résidence du mauritanien pauvre pourtant plus patriote, oui plus mauritanien, sont encore monnaie courante dans notre pays. La principale victime est indiscutablement le peuple, ce peuple patient et fatalement omniprésent, ce peuple qui ne connaît de l’Etat que l’accomplissement de son devoir de peuple, que les brimades des autorités, les confiscations de sa liberté élémentaire, ce peuple à qui l’on ne cesse de mentir, de lui promettre à la veille des élections des routes bitumées, la santé mais qui, deux décennies plus tard, se retrouve toujours sous les mêmes paillotes grelottant de froid, haletant de faim, tortillant des soucis, ce peuple souriant mais qui cache au fond de lui une ignorance de lui-même, oui ce peuple victime quotidiennement de bureaucratie. C’est vrai. Car n’oubliez pas qu’en Mauritanie chaque chef dans son bureau est un président dans son établissement.

Nous avions cru que l’après 03-Août allait être une date charnière qui permettrait à nos dirigeants d’avoir une approche visuelle générale de la Mauritanie, à travers ses entités composites notamment celles de la basse Mauritanie, la moyenne (quant à la haute, elle s’est déjà servie). Mais aujourd’hui encore un petit aperçu sur les actions accomplies par nos autorités depuis le départ de O/ Taya laisse constater quelques espoirs déçus. La course au pouvoir a avalé la part de tous les secteurs d’activité. Les secteurs (comme le pétrole, la pêche…) qui ont des retombées en devises directes ont été revues à la lettre. Car c’était l’occasion où jamais de s’enrichir ou de sombrer pour toujours. Quant à ceux qui assurent la survie de la quasi-totalité des mauritaniens comme l’agriculture et l’élevage, ils furent relégués au troisième plan. A travers cette relégation, les leaders politiques ne pouvaient plus mentir en disant que leur premier souci était le peuple. Car le peuple était les secteurs d’activité auxquels il dépend. Et ceux-ci relégués signifie tout simplement le peuple négligé. Et les conséquences d’une telle négligence me dépassent largement pour que je puisse les élucider.

Bilan : aux têtes des entités ministérielles, la même politique de nomination dramatique a survécu qui est notamment celle qui a toujours agenouillé le bon fonctionnement des institutions, accru la corruption, promu les incompétences, placé les hommes qu’il ne faut pas à la place qu’il ne fallait pas. L’on ne s’étonne pas aujourd’hui si l’actuel premier ministre crie avoir trouvé à la primature un déficit budgétaire de 30 milliards d’ouguiya. C’était prévu et c’est arrivé. Car l’art de s’effacer du champ politique sans souillure n’est pas l’apanage du pauvre africain affamé et avide des richesses séculaires.

L’on a laissé le peuple sur sa faim. L’on l’a forcé et contraint d’aller voter la laisse au cou au prix d’un kilo de riz (eh oui car le riz est très précieux en Mauritanie).

Pourtant malgré toutes ces escapades, il est toujours possible, du moins, pour le nouveau pouvoir de se ressaisir. Pouvoir se ressaisir dépend des priorités de sa présente politique dont la meilleure, à mon avis, présentement est la présidence de proximité nourrie d’un pragmatisme anglo-saxon. Le temps de simples paroles est révolu. Le temps est à l’action.

Et raisonnablement si nos autorités exercent une présidence de proximité, ils doivent se rendre compte que le peuple mauritanien a d’abord faim. Les solutions à cette faim ne se trouvent nulle part ailleurs. Il suffit d’entreprendre une véritable politique agro-pastorale qui permet désormais d’assister cultivateurs et éleveurs en se servant des cadres spécialistes mauritaniens ayant passé par les grandes écoles ou instituts d’agronomie. Notre pays en dispose énormément. La plupart chôment alors que le besoin de notre pays en cadres agronomes est énorme. Ce qui est désolant. L’agriculture mauritanienne connaît des dérives techniques, doublées des dérives judiciaires. Les pratiques agricoles restent encore très traditionnelles. En conséquence les récoltes désastreuses actuelles ne font aucune surprise. Car l’on ne doit pas oublier que ce qui est valable pour hier ne l’est pas nécessairement pour aujourd’hui. Donc adoptons notre agriculture aux caprices climatiques d’aujourd’hui.

Quant aux problèmes judiciaires qui mettent chaque année aux mains cultivateurs et éleveurs, la faute revient à l’Etat. On ne peut pas être père de famille et ne pas savoir décider s’il le faut. Mais sur ce plan les autorités mauritaniennes n’ont jamais fait preuve de sérieux. Dans le sud du pays notamment au Guidimakha, les confrontations entre cultivateurs et éleveurs sont quotidiennes finissant très souvent par des meurtres. Souvent ces litiges peuvent se comprendre. Car là où il y a cultivateurs et éleveurs il y a toujours conflits vu l’antagonisme d’intérêt que chaque partie croit défendre. Mais si l’Etat qui doit jouer le rôle de juge se contente de contempler l’iniquité s’effectuer sous ses yeux sans aucune forme de procès que des tranchements fortuits défendant toujours l’un au dépend de l’autre qui ne doit se contenter que de ses larmes, c’est autrement dit l’incarnation pure et simple de l’injustice, rebellant une partie du peuple contre l’autre. Ce qui est regrettable. Car la région a déjà connu des problèmes d’une telle envergure.

Il revient à l’Etat mauritanien d’essuyer ces larmes, de mettre en place des règles régissant la pratique de ces deux activités, de punir chaque fois qu’il le faut le fautif. Ce n’est pas de la dictature. C’est son rôle. Car le champ cultivé demeure le seul espoir du pauvre cultivateur. Et si ce champ labouré au prix du sang se voit tout simplement dévasté par des troupeaux de vaches, de chameaux ou de moutons pour la simple raison qu’ils sont la propriété d’un tel gouverneur, un tel préfet ou d’un tel commandant et que la justice quasi-inexistante ne serait pas en mesure de trancher c’est autrement ce qu’on peut appeler le cannibalisme moderne à la version mauritanienne. Ce qui doit cesser.