16 février 2010

Condamnation de Hanevy, un règlement de compte appuyé par un délit de justice doublé d’une volonté de poursuivre les crimes économiques et moraux

Le 12 juin 1964, à l’issue d’un procès marathonien à répit qui débuta le 9 octobre 1963, Nelson Mandela et 10 de ses compagnons de lutte furent condamnés à la prison et aux travaux forcés à vie. Leur crime : le combat pour une Afrique du sud juste et égalitaire. Mais puisqu’il fallait justifier leur agissement injuste aux yeux de l’opinion nationale et internationale, les maîtres de l’époque avaient usé la stratégie de diffamation selon laquelle Mandela était accusé non seulement de sabotage et de trahison mais aussi de complot pour l’invasion du pays par l'étranger. Il passerait 27 ans derrière les barreaux.

Le jeudi 4 février, dans l’après-midi, Hanevy Ould Dehah, directeur de publication du site d’information en ligne Taqadoumy fut condamné à 2 ans de prison après épuisement de 6 mois de réclusion pour lesquels il était pourtant condamné au début. Son crime : l’audace de défendre par l’information le pauvre peuple mauritanien manipulé, volé et condamné au silence. Mais puisqu’il fallait trouver pour cette condamnation aussi une raison qui saura appâter, nos autorités sous couvert de notre justice dont l’indépendance ne peut être admise que par qu’un monde sans justice retiennent le chef d’accusation suivant : « rébellion, outrage aux bonnes mœurs et délit de presse ».

Entre ces deux événements qui n’appartiennent pas, certes, à la même génération, il y a un lien : la volonté du fort à condamner le faible au silence malgré le vécu de l'invivable immonde. Mais si le premier est fini mais qu’on ne commence à patauger dans le second, tenez mon opinion, à moi aussi.

En effet, le chef d’accusation pour lequel notre vaillant Hanevy a été condamné qui cache en réalité beaucoup de non-dits tient plus d’un mauritanien par les oreilles. Peut-être celui qui n’a pas visité notre pays ne sait pas ses réalités intérieures. Mais tout mauritanien sait que Hanevy à travers son site n’a payé que pour l’audace de ses informations, fidèle réalité de ce qui se passe dans notre pays mais dont les auteurs veulent qu’il soit toujours méconnu.

Pas besoin de chercher dans les cieux, la réalité socio-économique de notre pays en est sa preuve patente : pauvreté accrue et partielle malgré les richesses incroyables de notre sous-sol, justice taillée aux caprices des forts, voleur de 100 ouguiyas condamné à des années de prisons quand celui des millions est applaudi comme un roi, clientélisme, trafic d’influences, criminel de sang en liberté paradisiaque. Ces réalités, ce ne sont pas tous les mauritaniens qui les savent. La ruée vers le site de Taqadoumy est alors l’explication à cette envie forte d’informations et surtout de vraies. Car inutile de rappeler que les sources de Taqadoumy, ses vraies sources sont parmi les plus proches de ceux dont la vie est étalée. Elles sont volontaires pourtant pour la plupart et reflètent encore davantage l’idée selon laquelle l’hypocrisie reste l’un des maîtres-mots de notre société en se traduisant par des envies d’être mieux vu ou l’obsession de faire éclipser l’ayant été.

Ces iniquités ne sont pas à l’insu de mauritaniens. Taqadoumy les révèlent à travers les vrais auteurs. Donc inutile d’arrêter son directeur pour ce qu’on sait sachant aussi que la rébellion, dans les pays où elle a eu lieu, a toujours été la conséquence de la situation que l’on venait de décrire. Elle se concrétise lorsque l’occasion se présente. Et puisqu’on est encore loin de là, œuvrons pour une Mauritanie qui s’éloignera par les faits de tout ce qui nous sombrera dans la rébellion.

Quant à ce qu’on appelle « outrage aux bonnes mœurs », il me rappelle juste une parole qu’un agent de nos ambassades m’avait laissé entendre lorsque j’étais étudiant au Maroc. Parti chercher un document officiel afin de pouvoir récupérer ma bourse, le monsieur m’avait dit de ne pas demander à mon pays ce qu’il ne peut pas me donner sachant que nous étions dans un pays frère et concurrent. Une semaine après cet événement Sidi Ould Cheikh Abdallahi est renversé. J’étais retourné voir le monsieur lui dire voilà l’impossible accompli. C’est pour dire que politiquement comme socialement, nous avons toujours fait fi aux mœurs. Qui a traduit Aziz devant la justice pour avoir enfreint aux mœurs sacrées de la constitution ? Qui a porté plainte contre les débauches qui font bonne foule dans les coins et recoins de Nouakchott ? Cessons de faire des pièges délibérés à notre marche vers le développement. Les canards ne voient que ceux qui sont devant.

Pour ce qui est du délit de presse, tous les mauritaniens ont besoin de savoir le texte de lois qui fait référence à la presse électronique.

Pour dire que la condamnation du 04 février dernier, au-delà du fait qu’elle soit un règlement de compte, est en elle-même un délit de justice doublé d’une volonté de tenir le peuple ignorant de ce qui se passe dans les arcanes du pouvoir dans la seule intention de poursuivre les crimes moraux et économiques que notre pays a connus jusque là. N’est-ce pas par là que les rebellions ont toujours eu leur justification ?