09 février 2010

Mauritanie, ce pays où chacun critique l’autre sans que personne n’assume sa responsabilité: la réalité est que nos maux sont une affaire de culture

Il suffit d’écouter le mauritanien, le mauritanien de chaque catégorie sociale, pour être convaincu d’une chose : ce qu’aucun d’entre nous n’est vraiment fier de notre pays. A plusieurs reprises, l’occasion m’avait été donnée d’être témoin des critiques acerbes dont la teneur ne saurait être que le retentissement des sentiments de désespoir et de révolte que l’on ressent intérieurement mais rarement exprimés. Pourtant ceux qui nous dirigent savent aussi ces vérités. Certains d’entre eux s’adonnent même à ces exercices dignes d’un sport national qu’en à un certain moment l’interlocuteur témoin serait tenté de se demander réellement qui est vraiment derrière tout ce qui ne va pas en Mauritanie, ce pays où tout le monde critique tout le monde ; donc ce pays où, en vérité syllogistique, personne n’a fait la tâche qui lui revient. Mais s’astreindre à cette évidence superficielle des choses c’est perdre de vue l’âme du vrai problème de notre pays indissociable de l’âme de son peuple, une âme faite de ses modes et autres styles de vie, une âme faite d’un ensemble de valeurs qui ne seraient pas sûrement les maîtresses préférées et, de surcroît, courtisées de là où nous voulons réellement venir mais qui par effet de démonstration et d’influence dans un monde mondialisé et tendant inlassablement vers l’uniformisation reste encore un simple rêve.
En effet le problème mauritanien relatif à son développement socio-économique est un problème de mentalité donc de culture. Ceci n’est pas aussi fortuit que ça. Ceux qui connaissent nos arrière-grands-parents leur reconnaissent les valeurs d’intégrité, d’union, de travail et de mérite. Ces valeurs, la plupart de ceux qui nous ont dirigé jusque là, les ont léguées au second rang pour des raisons regrettables et regrettablement dictées d’ailleurs. La désunion, la course vers l’enrichissement illicite en n’étant pas sûr de se retrouver le lendemain à là où on est et où on a le pouvoir, la course pour le pouvoir clanique pour mieux garantir sa survie avec tout ce que cela implique comme racisme, tribalisme, clientélisme et népotisme, ont alors pris le dessus de toute autre morale même de consensus. Dans ce bel immonde digne d’une jungle, il est évident que les lois ne serviraient de recours que pour se justifier contre le faible ou devant les institutions internationales ou autres ONG. Mais pour ce qui est des forts, comme on les appelle ici, « chin hou lwa ?» .
C’est cet état de fait qui a vu tout une génération naître et l’accompagnera grandir. Alors que les démocraties ont déjà pris place en Afrique et que les urnes transparentes ne servent que pour tromper, la contestation marathonienne des résultats commence à faire sombrer certains pays dans le sang. Il a fallu autres astuces.
Quant à la Mauritanie, Etat imprévisible et incontrôlable, les frasques politiques faisant fi à la notion de démocratie, continuèrent de bel et dont la dernière en date ne date que de 2008. Dans une situation qui ne disait pas son nom et où rien ne permettait de rêver doublé de l’absence d’aucun autre aphrodisiaque d’ivresse comme les politiques en ont l’habitude d’offrir à leurs peuples pour les faire oublier leurs maux, le fusil du clientélisme a changé d’épaule : la politique est devenue l’occasion officielle d’ascension socio-politique. Le mérite vaut peu ici. La ruée commence alors. Le berger ose troquer son bâton de veille contre un vieux costume ramassé dans l’un des ballons yougou-yougou provenant en arrivage de l’Europe. Le reste, on le sait. Demain, tac il est secrétaire. Son chef hiérarchique ne peut lui adresser un mot sachant qui l’a mis ici. Et celui qui l’a mis ici ne sait pas que ce dernier est retourné en brousse surveiller son troupeau alors qu’il continue de gagner son salaire de cadre supérieur. Chacun de nous joue le politicien fin même s’il escroque. Ainsi va la Mauritanie.
Que l’on continue alors à critiquer. Mais j’ose croire que les choses ne bougeront d’un iota. Ou si tel sera le cas, elles reviendront toujours à leur ancienne place. Car tout simplement le problème de notre pays est un problème de mentalité donc de culture, problème cultivé et consolidé par ceux qui nous ont dirigés jusque-là, nourri et consolidé par l’impunité et le manque d’éducation citoyenne.
Evident alors que tout le monde critique tout le monde sans qu’aucun d’entre nous, sache qu’il a une grande part de responsabilité dans ce qui ne va pas dans notre pays. Evident que les choses n’évoluent pas ou reviennent toujours à leurs points de départ car nos autorités ne s’en prennent pas aux sources de nos maux qui, il faut le rappeler, est une affaire de mentalité.