24 juin 2010

Le tourisme au service de la lutte contre la pauvreté: Du sommet du millenaire en 2000 à aujourd'hui, que s'est-il vraiment passé en Mauritanie ?

Depuis que le monde est monde, la pauvreté a toujours été au centre des combats obsessionnels. Mais en 2005 encore avec ses 1.4 milliards de personnes survivant avec moins d’un dollar par jour, ses 27 millions d’enfants ne recevant pas de vaccinations essentielles, ses 536 000 femmes mourant en couches et ses + 6.5 millions d’enfants mourant avant un an, notre monde convainc plus d’un récalcitrant que les différents combats livrés jusque là à ce fléau, qui ne se définit pas seulement par le manque de revenus mais aussi par l’analphabétisme, la malnutrition et la maladie, ont encore des beaux jours devant.

Quand on sait les conséquences socio-démographiques négatives de ce fléau, aisé de comprendre pourquoi lors du sommet du millénaire des Nations-Unies à New-York qui s’est tenu du 06 au 08 Septembre 2000, il a été demandé fermement aux chefs d’Etat et de gouvernement d’agir afin, entre autres, de réduire l’extrême pauvreté, d’assurer l’éducation primaire et un environnement durable pour tous, d’améliorer la santé maternelle, de combattre les maladies épidémiques mais aussi de mettre en place un partenariat pour le développement.

Bien évidemment sachant que les pays où la pauvreté est cruciale et rude sont ceux où les moyens font énormément défaut, plusieurs autres rencontres internationales ont eu lieu aux thématiques significatives dont la Conférence Internationale sur le Financement du Développement à Monterrey du 18 au 22 Mars 2002, la Conférence Internationale de Suivi sur le Financement du Développement tenue à Doha du 29 Novembre au 02 Décembre 2008.

Si l’initiateur du projet onusien des villages du millénaire et professeur à l’université de Columbia à New-York, Jeffrey Sachs avait conditionné l’éradication de la pauvreté dans les pays pauvres sur deux décennies par l’investissement suffisant d’argent dans le cadre de l’aide internationale, il faut rappeler qu’en Mai 2001 déjà lors de la Conférence des Nations-Unies sur les Pays les Moins Avancés à Bruxelles, il a été clairement rappelé que « Le tourisme international est l’un des rares secteurs économiques ayant permis aux PMA d’accroître leur participation à l’économie mondiale. Il peut servir de moteur à la création d’emplois, à la lutte contre la pauvreté, à l’instauration de l’égalité entre les sexes et à la protection du patrimoine naturel et culturel. Ce fait est principalement imputable aux avantages comparatifs considérables dont disposent la plupart des PMA et qui sont porteurs d’une spécialisation viable dans le tourisme ».

Il est clair ce regain d’intérêt après celui des années 70 n’est pas fortuit à tant de niveaux. Car en plus de sa spécificité de produit-système dont l’existence est conditionnée par celle des infrastructures de base, le tourisme implique avant tout des investisseurs nationaux, locaux et internationaux, demande une capacité d’initiative et d’innovation et ne peut s’épanouir que dans les sociétés ouvertes aux échanges extérieurs. Et trois éléments s’avèrent nécessaires pour son développement : la détermination, l’appui mais aussi et surtout un engagement ferme et sincère du privé.

Ainsi lors du sommet mondial sur le développement durable à Johannesburg tenu du 26 Août au 04 Septembre 2002, l’Organisation Mondiale du Tourisme a saisi l’occasion pour lancer l’initiative ST-EP (abréviation de «Sustainable Tourism – Eliminating Poverty » qui signifie « Tourisme Durable – Elimination de la Pauvreté »). Cette initiative vise d’abord à renforcer les actions menées de longues dates par l’OMT pour encourager un tourisme durable – sur le plan social, économique et écologique – avec des activités spécifiquement centrées sur la réduction de la pauvreté, le développement et la création d’emplois pour les personnes qui vivent avec moins d’un dollar par jour.

L’année 2005, notamment lors du Sommet Mondial des Nations Unies à New York, viendra couronner les efforts déployés jusque là par l’instance internationale du tourisme qui a eu à rencontrer des hauts responsables de gouvernements, de l’industrie, d’agences de Nations Unies et de la société civile pour trouver des façons de mieux canaliser le tourisme au service des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Ces discussions ont abouti à l’adoption d’une importante Déclaration sur « Le tourisme au service des objectifs de développement du Millénaire » axée sur la reconnaissance du tourisme en tant qu’instrument capital du développement socioéconomique et de la réalisation des OMD, notamment aux chapitres de la lutte contre la pauvreté, de la préservation de l’environnement et de la création d’emplois. Instrument de dynamisation, cette déclaration a permis à plusieurs pays à travers le monde de revoir leur politique de développement touristique.

C’est sûr certains ont fait des avancées conséquentes en matière de tourisme, d’autres parviennent à s’en forger une issue. Mais qu’en est-il exactement de notre pays ? Où en est-on exactement sur le plan touristique ? Que sommes-nous en train de faire ? Serons-nous en mesure d’aller loin touristiquement ? Le tourisme est-il d’ailleurs un secteur prioritaire de développement ?

L’importance de nos potentialités touristiques naturelles et humaines, la position touristiquement géostratégique de notre pays, appuyées par notre culture de l’investissement, des voyages et de l’hospitalité offrent à notre pays un potentiel de développement touristique d’une grande envergure. Si nous ne disposons pas encore des chiffres exacts pour nous avérer quantitativement de cet état de fait, la réalité du terrain, tout de même, au niveau de la région d’Adrar ou encore la prolifération des entreprises touristiques et hôtelières sur le territoire national témoignent de la ferveur que revêt ce secteur. Si plusieurs initiatives locales en sont convaincues, il n’en est pas exactement le cas pour nos autorités.

Pourtant c’est aux années 1994 que remonte l’intérêt manifeste de nos autorités à faire du secteur du tourisme une de ses priorités notamment par l’adoption d’une déclaration de politique générale du tourisme dans laquelle notre choix stratégique de développement de ce secteur s’est porté sur le tourisme sélectif. Autrement dit, un tourisme qui contribuerait largement au développement socio-économique de notre pays sans porter préjudice à notre riche patrimoine tant naturel qu’humain sur le plan matériel qu’immatériel. Mais depuis les seules réalisations dignes que l’on peut mettre à leur débit restent la définition des cadres généraux relatifs à l’organisation de ce secteur restés d’ailleurs pour la plupart excessivement ou peu appliqués. Il s’agit notamment de la loi N° : 96-023 du 07 Juillet 1996 portant organisation de l’activité touristique dans notre pays suivie de plusieurs autres décrets et arrêtés contradictoires que superflus voire repoussants.
L’observation que nous pouvons nous permettre d’établir depuis 1994 à aujourd’hui est que nous ne sommes pas encore allés très loin si ce n’est pour dire que nous n’avions pas encore décollé touristiquement. Notre tourisme reste encore à la délicate phase de balbutiement. Spontané et informel, il reste tributaire au plus petit de bourdonnements. L’impact que les charniers ne peuvent provoquer ailleurs, un cas isolé d’instabilité le fait chez nous. Ne disposant pas des chiffres exacts et fiables sur le secteur en terme d’arrivées, de nuitées et de recettes de manière générale ou par marché permettant de prendre les décisions adéquates qui s’imposent, la défaillance a toujours caractérisé la conception, la planification et la coordination de quelques stratégies de développement touristique dans notre pays tant sur les plans administratif, marketing que dans le domaine juridique.
A toutes les conférences, à toutes les réunions en un mot à toutes les rencontres sur le tourisme, on a beau cherché le véritable problème que rencontre ce secteur dans notre pays sans trouver la véritable réponse. On a l’habitude d’entendre que l’Etat n’a pas mis la main dans la poche. Mais l’autre question qu’on ne pose pas est qu’a fait le département ministériel en charge de ce secteur pour convaincre l’Etat à s’intéresser à ce secteur ?
En attendant que l’on sache que le principal problème du secteur du tourisme en Mauritanie est celui relatif au personnel insuffisant de la direction du tourisme et pour la majorité étranger au domaine, la lutte contre la pauvreté se fera sans qu’elle ne soit étendue sur toute l’étendue du territoire national, nos mentalités continueront d’être de véritables entraves à notre développement, notre renaissance culturelle se remettra aux calendes grecques, notre pays continuera d’être incertain dans l’imaginaire des investisseurs, oui nos opérateurs locaux continueront de bailler sans voir l’horizon s’éclaircir.
Le sait-on déjà ou non ?
Pourtant dans toutes les études établies pour la circonstance dont l’une des dernières en date servant de référence d’ailleurs à l’actuelle direction du tourisme, le problème du personnel de notre administration nationale du tourisme a toujours été et a été l’une des conditions sine qua non pour bien s’en sortir. Mais lorsqu’on persiste à perdre de vue cet état de fait en voulant faire mieux, cela ne pourra s’appeler qu’être convaincu de ne vouloir rien faire du moins de mon point de vue personnel.