12 mai 2007

LA PAUVRETE AU SERVICE DU TOURISME

Moralement parlant, personne n’a le droit de prêcher les vertus d’un mal indésirable comme la pauvreté. Mais lorsque l’éradication de ce fléau de la face de notre planète terre ne s’annonce pas pour aujourd’hui, il est nécessaire de se poser la question opportune du moment : peut-on se servir de la pauvreté pour lutter contre la pauvreté ?
Dans l’état actuel des choses nous ne pouvons vous répondre avant d’avoir analysé cette question problématique et pleine de contradictions.
En effet nous vivons dans un monde marqué du fer ardent de la mondialisation économique, culturelle voire même politique faite d’ouvertures, des voyages et des rencontres. Dans un tel monde, il n’est pas raisonnablement concevable que d’un côté on vive dans la surabondance et l’opulence alors que dans l’autre on vivote encore dans les termitières. Mais puisque la réalité est ainsi, à chacun de soutirer de cette pauvreté ce qui est en mesure de rendre service à son secteur d’activité.
L’expérience a pu démontrer que la pauvreté n’est pas aussi pauvre qu’elle ne puisse pas être en mesure de s’auto-éradiquer. C’est ainsi que dans certains domaines d’activités comme le tourisme susceptibles de se servir de tout, les vertus de la pauvreté ne font plus défaut. La pauvreté y est considérée comme un moyen efficace sensé préserver l’authenticité de certaines valeurs sociales, très sensibles, de la volatilisation. Est-ce seulement par là que le tiers-monde représente une destination d’envergure potentiellement importante en matière de tourisme culturel ? Bien évidemment oui. Car au niveau de l’Afrique, en guise d’exemple, il existe de villes entières qui n’ont subi que peu de modernisation. Les constructions y sont archaïques, les routes érigées en rues et ruelles tortueuses, les maisons en cases sont entourées des haies. La population composée d’agriculteurs et d’éleveurs n’ont d’espoir que leurs houes et leurs bâtons sur les deux épaules. Une telle situation désolante mais réelle en raison de la pauvreté est un véritable appel au voyage et à l’aventure. C’est l’une des richesses de la pauvreté même si ces destinations sont dans la plupart des cas faiblement courtisées.
Ainsi certains penseurs n’ont pas douté d’ériger la pauvreté en produit touristique par le simple fait que rien n’est plus émotif et évasif que le fait de contempler ce qu’on ne vit pas et qu’on ne croit pas possible encore dans ce monde du XXI ème siècle.
Chaque année alors des millions de touristes, avides d’authenticité et d’exceptionnel, se déplacent de par le monde avec la motivation de découvrir les misères de l’Afrique, de l’Asie, ou de l’Amérique latine à travers les immondices, les cabanes, les labyrinthes et les bidonvilles. La visite de telles pauvretés peut être dans une certaine mesure source de tourisme solidaire, ce tourisme dont notre monde en a énormément besoin même si certains détracteurs soutiennent qu’il est immoral de commercialiser l’honneur des personnes.
En fin de compte s’agit-il réellement du commerce d’honneur ou le fait de se servir d’une pauvreté qui s’annonce sans fin ? A chacun son point de vue.
Dans tous les cas il y a lieu de rappeler que lorsque la pauvreté encourage la pauvreté, il n’est plus nécessaire de cautionner celle-ci. Malheureusement c’est cet état de fait auquel on assiste aujourd’hui dans les destinations touristiques pauvres. Des enfants sont exploités sexuellement, l’homosexualité sévit à sa guise, le proxénétisme aussi. Mais face à ses crimes dus en majeure partie à la pauvreté, les retombées en emplois et en devises pèsent moins devant des enfances compromises, des dignités bafouées, des personnalités négligées et des solidarités abusées. Sur ce plan faut-il dire la pauvreté au service du tourisme ou le tourisme au service de la pauvreté ?

FAUT-IL ERIGER LE PASSE AFFREUX DE L'AFRIQUE EN POTENTIALITE TOURISTIQUE?

Pour savoir ce qu’on est, d’où on est, il est toujours indispensable de revenir sur ce qu’on était. De là, l’on pourrait faire un diagnostic critique et comparable entre ces deux tendances qui tendent généralement à s’opposer et ainsi se forger une nouvelle attitude à adopter. Voilà pourquoi l’histoire est une référence à ne jamais laisser sombrer dans les archives de la négligence quelqu’ en soit sa portée. Une telle règle est-elle applicable au cas de l’Afrique, continent qui observe, avec une certaine amertume inséparable, derrière lui un passé fait d’exploitation et d’humiliation de tout bord ? Sans doute oui.
En effet il est très souvent soutenu que notre continent subit la pesanteur de deux nœuds auxquels il ne peut se séparer. Ces deux nœuds qui sont la culture et les croyances spirituelles sont ceux qui le spécifient et l’identifient. Ils sont ceux qui lui garantissent une voix digne parmi tant d’autres dont la plupart usurpées. Mais aussi, selon les mêmes sources, ces deux nœuds sont une double pesanteur aux chevets de notre Afrique en titubation. Par conséquent il y a marche mais une marche aussi lente que celle qui régit l’évolution de notre monde est contrainte, dans ce monde uniformisé, de tendre sa main à notre pauvre Afrique par des dons, des dettes et des coopérations exploitatrices de tout ordre.
Mais à mon avis l’Afrique subit la pesanteur d’un autre facteur qui est aussi essentiel. C’est notamment la pesanteur de l’histoire, oui la pesanteur de la Traite Négrière, celle de la colonisation injustifiée et de l’exploitation démagogue et hypocrite dont elle continue encore de subir sous une autre version « sans aucune forme de procès ».
Ainsi une question se pose : faut-il utiliser ce passé affreux, fait d’horreurs et d’humiliations comme potentialité touristique ?
A mon avis il n’en est pas question pour aujourd’hui. Les grandes plaies de l’histoire ne sont pas encore cicatrisées. Non, nous ne reconnaissons pas la Traite Négrière comme un « mal nécessaire » non plus d’ailleurs la colonisation ainsi que ses dérivées de néo-colonialisme (si l’Afrique n’avait pas été colonisée, elle ne serait pas aussi bâtarde et aussi bête que celle qu’elle est aujourd’hui).
Oui nous avons droit à une reconnaissance de la part de nos bourreaux. Nous avons droit à des pardons et à des rectifications comme d’autres peuples victimes de nettoyage ethnique par la grande erreur de l’histoire. Nous avons droit de décision pour ce qui nous concerne.
Tant que ces droits élémentaires érigés en doléances n’aient pas de suite, faire de ce passé sombre et ténébreux l’objet de contemplation évasive aux petits-fils des bourreaux de nos grands-parents, signifierait admettre qu’il nous fallait la Traite Négrière, qu’il nous fallait la colonisation et qu’il nous faut aujourd’hui ce qu’on appelle « la colonisation douce ». Quelle insulte de nous-mêmes envers nous-mêmes ! L’histoire n’a pas besoin d’être refaite; elle se rappelle. Pour éviter qu’elle ne se répète ses erreurs doivent être punies. Mais la pauvre Afrique peut-elle avoir gain de cause, elle qui est soucieuse de son pain quotidien qu’à autre chose ?
Devant un tel pessimisme, on n’a plus de temps à perdre. Chaque année la liste des monuments historiques érigés en sites touristiques qui font l’objet des visites touristiques massives ne cesse de grandir et risque de ne pas être exhaustive.
De Dakar à Mogadiscio, de Tanger au Cap un véritable encouragement à la visite de ces sites ne cesse de gagner d’ampleur. Pourquoi telles actions avant que la grande facture de l’histoire ne soit réglée, me demandais-je un jour suivant le film Bamako de mon compatriote Abderrahmane Cissoko ? « Le sous-développement et sa charge explosive de faiblesse en sont pour quelque chose » me répondit Jojo ; le problème d’intellectuels capables de crier fort et d’être écoutés aussi ajoutais-je. Dans tous les cas qu’il soit l’un ou l’autre cette facture fera beaucoup de palabres sous un arbre de palabres qui ne se trouve pas en Afrique où il devrait se retrouver pourtant. Wait and see.
A ma maman
A Jojo BiolaSOULE ABDOU DIARRA