07 décembre 2011

Bambaradougou : De l’histoire d’une identité inavouée peut naitre la revendication pour la reconnaissance du Bambara comme langue nationale

« Le meilleur moyen de perdre sa liberté de penser et d'être, c'est d'avoir une image à défendre coûte que coûte, une image qu'on a chargée d'être notre identité. »

Cette réflexion n’est pas de moi mais bien d’Alain Amselek dans l'écoute de l'intime et de l'invisible. Mais aussi étrangère à nous de par l’auteur et le contexte, cette vérité générale reste logiquement transposable à la situation identitaire de Bambaradougou à Sélibaby ; tellement le vécu de ce quartier-village traduit l’incarnation pure d’un univers confronté à une perte silencieuse progressive de soi au profit d’un autre qui semble arrêter des règles draconiennes pour une éventuelle intégration.

Bambara de souche qui ont eu à flirter avec les soninkés et pour certains à marier des femmes de cette ethnie, les bambaradougounko, après plusieurs décennies, ont pourtant toujours du mal à forger la place qui doit leur revenir parmi ces derniers.

La vérité est que c’est plus qu’une question d’intégration. C’est une affaire de position voire de statut dans une société aussi hiérarchisée comme la société soninké et où le nom suffit souvent pour déterminer la catégorie sociale. Ce qui est inadmissible pour les bambaradougounko qui ont du mal à assumer une telle étiquette sachant que la plupart des noms ici restent synonymes d’ « esclaves » chez les soninkés.

Ainsi pendant des décennies les bambaradougounko et les soninko se sont observés en chiens de faïence à telle enseigne que l’histoire ait eu des précédents inavouables. Ce qui n’a pas pour autant influencer la tendance de deux côtés.

Aujourd’hui alors la question qui reste encore posée et qui demeure sans réponse est celle de savoir s’il ne faudrait pas prendre le devant de la revendication pour la reconnaissance de la langue Bambara comme langue nationale au même titre que le Pulaar, le Soninké et le Wolof au lieu de persister à s’identifier à une société qui conditionne l’intégration par l’acquiescement d’un statut auquel le chien de Bambaradougou reste réfractaire.

En tout cas il va de l’intérêt de bambaradougounko d’admettre qu’aussi longtemps que puisse séjourner un tronc d’arbre dans un marigot, cela ne le transformera pas pour autant en caïman selon la sagesse africaine.

Les bambaradougounko de souche sont des bambaras de par l’appellation du quartier mais aussi, l’origine et la véritable identité des premiers habitants. C’est une réalité que nul ne peut remettre en question.

Nous n’avons pas besoin de faire appel à l’histoire de tout un chacun des bambaradougounko pour étayer une thèse qui se démontre d’elle-même. Comme nous n’avons pas aussi besoin de rappeler que le monde d’aujourd’hui a la particularité d’être irréductible en mixage de toute échelle. Mais aller chercher ne doit pas signifier, non plus, y rester.

En effet, les problèmes d’intégration que connaisse ce quartier-village est en eux seuls révélateurs de ce marasme culturel aux effets douloureux politiquement, effets que les générations actuelles ne ressentent presque pas tant qu’ils sont encore dans l’œuf mais qu’ils ne tarderont pas à vivre les effets en dehors de l’œuf.

Ainsi la lutte contre des préjugés liés à l’esclavage ne doit concerner ce quartier-village que par devoir d’homme de remettre en question tout ce qui va à l’encontre de l’humain.

Puisqu’il ne l’est pas par les faits et l’histoire, les bambaradougounko devraient avoir aujourd’hui un seul défi à lever : la lutte pour recouvrer leur véritable identité bambara et la faire apprendre aux enfants. Car il est temps que Bambaradougou se sache qui il est en réalité et d’où il pourra être demain.

Et de se dire enfin que s’identifier à un tel est un ordre que le monde impose souvent mais que le bon sens des hommes avertis peut faire retourner progressivement et patiemment.

Les intellectuels de Bambaradougou sauront-ils faire avancer le bon pion au bon moment ? Restons et attendons……………